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Promenons-nous dans les bois

Trois séries de tableaux composent ce corpus d’oeuvres organisé autour des prépositions : dans, avec, sur. La première série donne un lieu, nous entrons  dans les bois, à l’intérieur d’un espace couvert d’arbres qui cadre et contient les personnages. La présence du bois se donne différemment dans la deuxième série, un renversement contenant/contenu a lieu. Les personnages se présentent avec des bois, des cornes caduques, des ramures. Les bois amènent ici une incorporation, une intégration des éléments. Les personnages font corps avec eux et deviennent eux-mêmes forêt. Les ramures ressemblent à de grandes antennes qui captent et entendent les signes du temps présent, passé et/ou à venir. Puis le bois offre dans la troisième série une surface où se poser. Une distance sort les personnages de la forêt et des cornes et les dépose  sur le bois. Les bois des cervidés, par leur mue, illustrent entre autres les transformations et les dépouillements inéluctables, allant jusqu’au dénuement, pour avancer, penser, vivre. Hymne ici à la traversée.

 

J’ai travaillé toile sur toile ou toile sur bois comme peau sur peau. Dessinées au fusain et à l’acrylique, les oeuvres sont dans les tons de terre, d’ombre et de noir. Les couleurs de cette production appellent le désir de ramener à la terre, de matérialiser les pensées. La masse brune des vêtements des personnages appelle l’organique, la peau et le cuir des animaux. Les fonds blancs - cernés d’une bande de toile vierge représentant les marges - ou les fonds en bois permettent d’extraire et de donner place à la corporéité des sujets.

 

Ailleurs, hors du langage, la forêt est l’envers du monde, un monde hors du monde, un monde forclos, insondable. Nous entrons dans l’espace de l’animalité, de l’altérité absolue. Les bois présentent une autre réalité, celle des bêtes et de ce que nous rejetons hors de nous, hors champ du monde, dans les marges. Dans ce corpus d’oeuvres, le bois évoque notre part animale et aussi, surtout, l’inconnaissable et l’inaccessible du monde qui nous entoure. Les bois renvoient à une expérience plus immédiate du monde, où les questionnements se resserrent. Lieu d’une possible rencontre et d’un frayage plus complet jusqu’à nous.

Suzanne Lafrance

© 2020 Suzanne Lafrance. Tous droits réservés.

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